Oscar Paquet. Hommage de sa petite fille Marie.

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 L’HOMME-ORCHESTRE

 

Oscar PaquetHommage de Marie Paquet à son grand-père, mort tragiquement dans l’accident d’avion survenu en France dans le massif de l’Obiou le 13 novembre 1950.

Oscar Paquet

 

30 avril 1899 au 13 novembre 1950

        Il y a toujours des exceptions et mon grand-père paternel est un homme d’exception! Je suis venue au monde, cinq ans après son décès, survenu lors d’un accident d’avion, alors qu’il n’avait que cinquante et un ans. Je n’ai  donc jamais connu cet homme bien enveloppé, au crâne lisse et aux yeux brillants comme l’or. Pour le décrire de manière réaliste, j’ai dû enquêter auprès de ceux et celles qui l’ont côtoyé, aimé, admiré et idéalisé, comme c’est souvent le cas pour les êtres chers qui partent trop tôt, trop vite, trop jeunes…

 

        Oscar est né sur la rue Dollard, dans la Basse-Ville de Québec et, comme la plupart des jeunes gens de son époque, il a quitté la demeure familiale, au moment où il s’est marié, le 22 août 1922, à l’âge de vingt-trois ans. Jeune homme fringant, plein d’entrain et d’ambition, il était apprenti à l’Imprimerie Commerciale, sur la rue Sault-au-Matelot, chez un monsieur Mercier. Très vite il eut envie de passer d’employé à employeur! Considérant s’y connaître suffisamment dans ce domaine, il s’est porté acquéreur de l’Imprimerie Royale, rue d’Argenson. Il avait la ferme intention de se présenter les mains pleines devant Adrienne, de deux ans son aînée! Quoique la différence d’âge soit minime, autrefois, ce n’était guère la norme. Le marié convolait avec une épouse plus jeune que lui de quelques années, pour s’assurer une descendance respectable. Il faut croire qu’il avait perçu l’éternelle jeunesse de sa princesse!

 

        Après la noce, ils se sont établis sur la rue Laviolette, où naquirent leurs quatre premiers enfants, Raymonde, Louis-Nazaire, Fernande et Émile. Le petit deuxième est décédé quelques heures après sa naissance. Il a vécu tout juste le temps nécessaire pour le baptiser, en l’affublant du prénom du cardinal-archevêque de Québec. S’il avait survécu, il aurait sûrement laissé tomber une partie de son prénom composé!

        La famille gagnant du terrain, il devenait impérieux de s’agrandir! Oscar acheta un immeuble, sur la rue Saint-Vallier, dans lequel il aménagea son atelier d’imprimerie, au rez-de-chaussée. À l’étage, il logea sa famille.

La maison était suffisamment grande pour y installer des locataires. Au fur et à mesure que le besoin d’espace l’exigeait, un locataire s’en allait, jusqu’à ce que la famille occupe entièrement le bâtiment. À une douzaine dans la maisonnée, fallait multiplier les chambres!

 

        En plus de son commerce d’imprimerie, qui lui rapportait suffisamment de revenus pour subvenir aux besoins élémentaires de sa progéniture, il était le chantre de l’église Saint-Sauveur. Ce travail lui procurait davantage de plaisir que de pièces d’or! À chaque dimanche, il chantait la grand-messe et  participait à presque toutes les cérémonies religieuses de sa paroisse. Dieu sait qu’il y en avait! Il prêtait sa belle voix de baryton aux funérailles et mariages, sans se faire prier. Cette église était son amphithéâtre! Sa plus belle salle de spectacle! Il lui arrivait de pousser la folie, au grand dam de son épouse, allant jusqu’à chanter quatre messes dans une même journée! Je soupçonne les personnages des fresques de ce temple, de l’avoir applaudi, une fois les paroissiens repartis!

 

        Ce passionné de musique et de chants liturgiques était, à l’opposé, attiré par la chanson folklorique. Il lâchait son fou, montant sur scène, costumé, portant la chemise à carreaux, la ceinture fléchée, le pantalon bouffant et les bottes cosaques! La vedette de son patelin! En 1930, il poussa le jeu jusqu’à se rendre à New York, pénétrer dans un studio de la maison Columbia, pour enregistrer son premier disque de folklore, un 78 tours! Son accompagnateur pour cette virée n’était nul autre que le célèbre pianiste et compositeur de l’époque, Omer Létourneau. Oscar partait aussi en tournée, en Nouvelle-Angleterre. Lors de ces spectacles, son accompagnatrice au piano était Édith Pépin, une franco-américaine, résidente de Lowell, au Massachusetts. Un peu plus tard, Oscar et trois joyeux compagnons, formèrent le Quatuor Laurentien. Ces drôles de mousquetaires trimbalaient leurs costumes et leurs voix, de scène en scène. Le Palais Montcalm les a même accueillis avec enthousiasme! Il trouvait aussi le temps de chanter régulièrement à la radio de CKCV 1280, bande am, même la nuit du réveillon! Adrienne devait se dire à voix basse, que la vie d’artiste de son illustre époux ne la faisait pas toujours sourire. À voix haute, elle en parlait fièrement!

 

        La famille Paquet de Saint-Sauveur n’avait rien à envier aux aristocrates de la Haute-Ville. Son train de vie se situait au-dessus de la moyenne des gens de Québec. L’été, Oscar louait un chalet à l’Île d’Orléans et y emmenait son épouse et sa marmaille, en voiture. Il était un des rares citoyens à posséder une automobile: une De Soto, à conduite manuelle, fabriquée par Chrysler. On pouvait y monter une douzaine à bord! Il suffisait de déplier les strapontins, ces petits bancs pratiques, installés entre les banquettes avant et arrière. On imagine quatre passagers, pressés les uns contre les autres, sur chacune des banquettes, et quatre enfants turbulents, s’amusant à tournoyer sur leur strapontin! Toute une limousine! Comme  luxe suprême, il accompagnait honorablement son épouse et ses filles, chez JB Laliberté, le magasin chic de Saint-Roch, spécialisé en manteaux de fourrure. Ce commerçant était un client important de l’Imprimerie Royale! Oscar avait saisi qu’en affaires, les bons services s’échangeaient et les meilleurs prix! C’est encore le cas aujourd’hui!

  

        Oscar insistait, autant auprès de ses filles que de ses garçons, sur l’importance des études, pour un bel avenir. Les chiffres, les lettres et la  musique étaient essentiels à une culture complète et diversifiée. On le disait sévère et autoritaire, mais dans son for intérieur, il n’était pas peu fier de ses dix enfants talentueux. Il devait bien se douter que leur mère adoucissait les coups de semonce paternels! Ses remontrances étaient sa façon d’inculquer les notions d’éducation et le goût de l’apprentissage à ses gamins. Les garçons étant évidemment moins dociles, ils ont été davantage sermonnés que les filles qui, elles, étaient plus subtiles!

 

        La foi absolue en Dieu et la pratique rigoureuse des rites de la religion catholique occupaient une place primordiale dans la vie quotidienne. Tous les soirs, après le souper, Oscar réunissait la famille pour réciter le chapelet. En son absence, Adrienne proposait une trêve avec la complicité de ses enfants! À tout cela s’ajoute le pouvoir manifeste exercé par le clergé, sur les paroissiens, qui faisait en sorte de magnifier le sacerdoce chez les jeunes garçons et l’entrée en religion, chez les jeunes filles. Les collèges préparant les aspirants et aspirantes à la vie religieuse offraient une éducation supérieure dans les lettres, les arts et même les sports!

 

        Pour célébrer l’année sainte, en 1950, Oscar rêvait de se rendre au Vatican, avec Adrienne. Une sorte de J-A Martin, photographe, pouvoir partir tous les deux, sans la ribambelle d’enfants, plus ou moins grands. Ce projet impliquait de s’absenter durant un mois. Réticente, Adrienne se désista et le laissa partir seul. En jetant un regard rassuré sur sa lignée, Oscar eut le vent dans les voiles. Le 13 octobre 1950, il embarqua sur le paquebot Le Columbia, ancré au port de Montréal, pour voguer jusqu’à Lisbonne, au Portugal, première étape de ce périple.

 

       Ce voyage l’a mené du Portugal en Italie où avec un groupe d’une cinquantaine de Canadiens, dont certains venaient de la ville de Québec, Oscar a eu le bonheur de voir du pays, saluer l’Europe et rencontrer le Pape Pie XII, en personne, le toucher peut-être! Cet homme coloré, unique en son genre, avait pris soin de glisser dans ses bagages, son célèbre costume de folklore. La plus spectaculaire scène du monde l’attendait! Sur le bateau et un peu partout, si l’occasion s’y prêtait, il enfilait son costume et en avant la musique! Après la bénédiction papale, les pèlerins canadiens s’apprêtaient à rentrer au pays, en avion. À l’autre bout du monde, Adrienne et la plupart de ses enfants, à l’exception de Raymonde, Émile, Cécile et Léonce, tous en communauté religieuse à ce moment-là, attendaient le retour d’Ulysse!

 

        Dans la froideur brumeuse de ce 13 novembre 1950 (encore un 13, frissonnait Adrienne), à bord du Pèlerin Canadien, un DC4, Oscar chantait son retour et se faisait une fête de raconter l’histoire de ce voyage inoubliable, voire même de l’écrire. L’avion percuta le Mont Obiou, coupant court à ses projets. L’obscurité la plus ténébreuse, pour ces passagers lumineux. Aucun survivant. Que des souvenirs, objets et corps éparpillés sur les lieux. Une inexplicable tragédie pour son entourage. Une énigme qui dure, depuis ce triste jour, dans l’histoire de l’aviation…

 

       Cet homme-orchestre a connu un destin exceptionnel. En peu de temps, il a exploité tous ses talents et légué à ses proches, l’exemple d’un homme issu d’un milieu simple, qui est allé au bout de ses rêves, sans pour autant négliger son gagne-pain et l’éducation de ses enfants. Il a su faire la part des choses entre la nécessité du travail quotidien et sa vie palpitante d’artiste. Il demeure un mythe pour ses descendants, un personnage légendaire, un être paradoxal, partagé entre son austérité et sa joie de vivre!

 

        Il n’aura jamais goûté au bonheur d’être grand-père, mais il aurait sûrement été fier de tous ses petits-enfants. Il n’aurait eu de cesse de nous raconter ses voyages, à la manière d’un conte fantastique. Il n’a pas connu l’avènement de la télévision et encore moins celui de l’ordinateur. Voilà que soixante ans après sa mort, il fait le tour du Monde, bien malgré lui, en figurant sur un site Internet! Je sais qu’un jour j’irai le saluer, à Notre-Dame-de-la-Salette, et je lui offrirai ce texte…

 

Marie Paquet, petite-fille d’Oscar Paquet et d’Adrienne Dion

Cacouna

Québec


Merci Marie pour ce beau témoignage…….lu d’un seul trait…( le webmaster ) le 22/02/2010.
Pour information, cet article a été lu par 30 internautes dès le premier jour le 23/02/2010 !……les jours suivants idem !

 

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