Libération des Hautes-Alpes

Après la libération de Gap, une grande angoisse…

Les troupes allemandes de Vizille apprenant le 17 Août 1944 que la ville de Gap vient d’être encerclée par les Français, décident d’intervenir, aidée par une autre unité (une centaine de soldats environ) basée au Col Bayard. Sur la route Napoléon, de Grenoble à Gap, aux dires des témoins, la colonne allemande s’étirait sur plusieurs kilomètres. Donc le 20 Août, 3 jours plus tard, Gap à peine libérée se retrouve sous la menace. Le doute commence à naître dans les esprits : la Libération est-elle vraiment acquise ?

Par contre les troupes allemandes de Briançon ne peuvent plus intervenir car tous les ponts ont été dynamités par les maquisards quelques jours plus tôt (il en reste un ou deux, respectés pour faciliter la remontée des Alliés).

Les Résistants vont tout faire pour retarder voire stopper cette colonne dans le Champsaur. C’est dans ces combats qu’il y aura le plus grand nombre de morts côté français.

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Journal Allobroges 39 45

Voici comment la situation est décrite (de façon compliquée d’ailleurs) par le journal Allobroges de Grenoble du 25 Août 1944.

« A 18 heures, le 20 Août, à l’approche des Allemands de Vizille, les FFI… donnent l’ordre aux villages situés sur la route Napoléon d’évacuer femmes et enfants. Les boches remontent la vallée. On sait que tout le long de cette route les groupes FFI sont installés et ne laisseront pas arriver l’ennemi sans difficultés à Gap. L’embuscade est partout. Les agents de liaison passent et repassent, donnant les consignes. Les véhicules allemands approchent de Chauffayer… pour l’instant le gros de l’Unité se trouve encore à St Firmin. Dans tous les villages du Champsaur l’émotion est grande. »

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Guerre 39 45

Le journal continue « Les chars les plus avancés arrivent à Chauffayer, 3 km devant. Les Allemands remontent cette longue ligne droite, traverse le village. Ils sont traqués de toute part. Ils sont arrêtés par les FFI de St Firmin qui les retiennent longtemps mais également par le groupe de Molines et les 2 groupes FFI de Chauffayer. Une partie de la colonne des Allemands arrive malgré tout jusqu’au village des Costes mais à la nuit tombante, les FFI de Chauffayer attaquent et les prennent à revers par le village de Lacou. Dans la nuit de dimanche à lundi, à 3 heures, les Allemands rentrent au hameau des Barraques. Heureusement les maisons sont vides : ils éventrent les portes, pillent les habitations, tirent sur les quelques civils qui sont là

Le journal continue ainsi « Une autre partie de la colonne allemande arrive au village des Bonnettes. Elle est attaquée par les FFI de St Bonnet, couverts par le groupe de La Fare. Cette colonne est arrêtée de 3h à 7h du matin.

De nouveau pris à partie par les FFI dans le village de La Laye, brutalement ils effectuent une retraite rapide et se replient sur le village des Barraques où les allemands se livrent encore à des actes de pillages ».

Le journal précise « ils effectuent une retraite rapide » à Laye, sans préciser pourquoi ! En réalité ils viennent d’apprendre que Gap est tombée le 20 Août (vers 19h) et que les Américains sont là, en train de passer le col Bayard face à eux. Ils font demi-tour pour repartir vers Vizille.

Voici le témoignage intéressant que m’a adressé Paul Motte alors âgé de 15 ans en 1944 «  Pour la petite histoire je vous indique que j’ai suivi depuis un hameau de St Bonnet à l’aide d’une longue vue la montée de la colonne allemande stoppée à mi-côte de la montée de Laye. J’ai vu les soldats s’arrêter dés le premier coup de canon Américain qui a détruit le clocher de Laye. La troupe s’est dispersée en se terrant dans les haies de bordure et a rebroussé chemin plus rapidement qu’elle n’avançait quelques minutes auparavant. Les habitants de Saint Bonnet avaient été évacués depuis la veille, hébergés dans les villages alentours. Ils entendaient des informations souvent contradictoires selon les porteurs de nouvelles .»

Pour mémoire les fantassins allemands s’aidaient de mulets pour transporter le matériel d’où l’expression de M. Motte « la troupe s’est dispersée en se terrant dans les haies ». Ils ne se déplaçaient pas en camions militaires. On comprend aussi pourquoi la distance Vizille-Gap a pris du temps (du 17 au 20 Août) et pourquoi les Résistants ont pu facilement les retarder.

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Résistance Champsaur

Dessin réalisé par M. Petit pour le site Mémoire du Champsaur

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Donc les Allemands font demi tour à Laye et rebroussent chemin. Ils essuient à nouveau les tirs croisés des maquisards. Suite à un accrochage sérieux vers Saint Firmin, ils brûlent une ferme qui se trouve aux quatre chemins, dans la grande courbe de la RN 85 avant le pont de la Séveresse.

Le soir de ces combats le jeune Pierre Pellegrin avait disparu et la rumeur courrait que les Allemands l’avaient tué et brûlé à l’intérieur de la ferme. Finalement son corps criblé de balles n’a été retrouvé qu’après de longues recherches, 15 jours plus tard, par son père éploré, au barrage du Motty.

Un habitant me signalait également qu’un vieux Champsaurin n’avait eu la vie sauve à son domicile (le long de la RN 85) qu’en prenant plusieurs pains dans ses bras essayant d’expliquer qu’il venait de faire ses courses et leur proposant d’en prendre un peu. Alors l’officier a donné l’ordre aux soldats de le laisser tranquille.

Paul Motte m’a adressé un 2eme témoignage également intéressant sur cette remontée : « Je vous donne le récit de l’aventure dramatique au dénouement heureux dont ont été victimes Emile Bertrand et feu Henri Beaume de Saint Bonnet. Ces faits ont été évoqués dans le film « Si les montagnes pouvaient parler » par les acteurs. Ces deux hommes ont fait partie des Résistants qui ont harcelé la colonne allemande tout au long de la RN 85 et ont été arrêtés par une patrouille puis mis en joue devant le monument aux morts des Barraques. Le responsable du peloton fit déplacer les deux victimes au motif que fusiller des terroristes devant un monument était un trop grand honneur. Ceci sauva la vie de ces deux hommes qui à la faveur d’une distraction et d’un grand fossé qui se trouvait juste derrière eux (dominant le Drac) purent se jeter en arrière et s’échapper. Le dernier témoin vivant porte encore sur la tête une cicatrice provoquée par une balle qui lui a brûlé le cuir chevelu. La chance était au rendez-vous. »

Les Allemands remontent vers Vizille talonnés par les Alliés et retardés par les attaques incessantes des maquisards le long de la route.

L’action des Résistants a été déterminante dans ce retournement de situation et la ville de Gap était vraiment libérée. Les troupes blindées US Butler aidées par le 11eme cuirassier du commandant Geyer ( FFI ) passent le col Bayard avec une route Napoléon dégagée. Jusqu’à Grenoble ils n’auront pas un seul blessé.

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C’est la libération du Champsaur !

Les habitants du Champsaur étaient en liesse en voyant remonter tous ces engins militaires américains, synonyme de liberté « dans le ronronnement incessant des blindés » précise le journal Allobroges.

« Aux Barraques de La Fare, une partie de la population du Champsaur est groupée pour acclamer les FFI et les américains au passage. Partout des fleurs et des drapeaux. Un soulagement s’exhale des poitrines » (journal Allobroges de Grenoble du 29 Aout 1944 ). Il en est de même dans le village de Corps.

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Liberation Champsaur 1944

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Libération de Saint Bonnet en Champsaur

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Liberation-du-Champsaur-copie-1

Photo inédite. Il s’agit de la Libération de Saint Bonnet et probablement de la trentaine Piot (à moins qu’il ne s’agisse de la Trentaine de Saint Bonnet). Le maquisard qui tient un bébé dans les bras est Jean Roux (cousin d’Aimé Roux, Résistant).

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Libération du village de Corps

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Liberation des Alpes

Photo inédite. La traversée du village de Corps (photo adressée par le Dr Cardin de Corps)

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Liberation Corps

Ce cliché m’a été adressé par M. Jacques Gazel. Voici ce qu’il m’écrit « la jeune femme qui tend la main à l’équipage du char est la jeune Etiennette Combe qui allait devenir Madame Mei femme du pharmacien du village jusque dans les années 1975 »

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Liberation-de-Corps-2-copie-1

La traversée du village de Corps (photo adressée par le Dr Cardin de Corps)

A Vizille, les Allemands ont été cernés par les FFI de La Fare, de St Bonnet en collaboration avec ceux de l’Oisans. Ils arrivent à se réfugier dans le château. Le courrier d’un habitant nous raconte la suite « les Allemands avaient très peur de se rendre aux FFI du Champsaur, de l’Oisans, de Grenoble et d’être finalement tous tués. Avant d’atteindre le château pour s’y réfugier, mon Dieu, ça claquait et pétaradait de tous les côtés, les combats étaient violents. Ils ont enfin pu y arriver, se barricader et attendre les Américains qui seraient plus cléments. Quelques heures plus tard, voyant au loin les Américains arriver, ils ont sorti le drapeau blanc et se sont rendus ! »

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ENFIN LA LIBERATION pour les Hautes-Alpes !

Quelques Reflexions.

1 / Les américains semblent tarder pour rattraper les Allemands sur cette route Napoléon.

Effectivement, l’article du journal Allobroges de Grenoble  signale que les Allemands sont en grandes difficultés, qu’ils sont attaqués de toute part, harcelés jours et nuits, au point finalement d’être neutralisés à Vizille. Il affirme que les Américains ont la route dégagée devant eux. Et pourtant, ils attendent 86 km, c’est à dire Vizille, pour les encercler.

En voici l’explication : les Alliés ne croyaient pas trop à l’efficacité de cette armée « hétéroclite » de civils français FFI. Les militaires US avaient donc établi leur calendrier en comptant surtout sur leur force. Ils se sont trompés. D’où le retard des convois et les difficultés d’approvisionnement en carburant qui peinait à suivre. Marseille et Toulon qui sont des ports en eaux profondes ne seront libérés que le 28 Août 1944. A partir de cette date les choses iront beaucoup plus vite.

D-barquement-de-Provence-cadreLe débarquement de Provence a été plus simple que celui de Normandie mais le matériel et le carburant ont été difficiles à acheminer. Aucun gros bateau ne pouvait accoster.

2 / Autre précision. Devant l’efficacité des deux débarquements (Normandie et Provence), Hitler a donné l’ordre à ses troupes de remonter vers la frontière nord-est pour défendre le pays. Les Allemands remontent par la vallée du Rhône, le Champsaur, Luz la Croix Haute, de toutes parts. Toutefois deux villes ont reçu l’ordre de résister : Toulon et Marseille car ce sont des ports stratégiques, en eaux profondes qui faciliteraient l’approvisionnement des Alliés. Hitler a exigé que ses troupes (composées d’ailleurs de nombreux étrangers) se battent jusqu’au bout, sacrifiant littéralement ses hommes. Les chiffres malheureusement sont parlants. Pour la libération de Marseille (qui a eu lieu le 28 Août 1944 comme Toulon) on déplore 4000 morts côté français, et 7000 morts côté allemands.

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Jonction des armées 1944

La remontée des Alliés a été rapide et la jonction avec les troupes de Normandie se réalisa le 12 septembre 1944, soit 26 jours après le débarquement de Provence. 40.000 allemands furent piégés par cette jonction.

« La mémoire est la sentinelle de l’esprit » (Shakespeare, Macbeth)

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